Le Bon, la Loi et le Truand ..

Sophie Brouhon 2014 Campaign

Ce matin à 6h, en l’absence totale des autorités communales qui l’avaient commandité, de tout service social ou d’assistance aux personnes sans abri, quelques 80 personnes composées majoritairement d’enfants ont été sorties du squat qu’ils occupaient dans un des bâtiments du Foyer ixellois situé rue Vandeuren à Ixelles. Dans le calme et la quasi indifférence générale.

Ces bâtiments sont en attente de rénovation depuis septembre 2011 aussi, face à l’absence totale de gestion des autorités qui ne font plus le moindre effort d’entretien digne de ce nom, un immigré argentin avait organisé cette opération de squat afin d’héberger des familles dans le besoin et surtout des enfants, certains d’entre eux scolarisés.

Il faut dire que les relations avec le voisinage étaient plus que tendues depuis quelques mois déjà. Si certains voisins apportaient de la nourriture aux familles ainsi hébergées, d’autres manifestaient clairement leur colère car rien n’a été fait par les autorités pour organiser la cohabitation.

Outre leur inquiétude de devoir supporter, en plus de leur loyer, les factures d’eau et d’électricité de ces nouveaux occupants (lors d’un hébergement temporaire d’Afghans dans ces lieux, la commune avait fermé tous les compteurs et des déviations ont donc dû être organisées ..), les locataires étaient menacés par d’autres squatteurs nettement moins scrupuleux (vols, agressions, bagarres à répétition, musique toute la nuit, saleté, …) et la commune n’était pas à leurs côtés pour les rassurer.

Si cette expulsion est légitime, la réalité est bien plus complexe que cela.

  • Les locataires actuels vont se voir soulagés d’une cohabitation difficile et peut être retrouver le calme et la sérénité. Mais ces bâtiments resteront majoritairement inoccupés et dans un état délabré car toujours en attente de rénovation. Les travaux devraient commencer au mois de juin mais, depuis leur annonce il y a 3 ans, on y trouve encore des locataires toujours en attente de se voir offrir un nouveau logement ailleurs dans la commune. Cette expulsion ne changera rien à leur sort.
  • La Région compte entre 15.000 et 30.000 logements inoccupés. Des 39.000 logements sociaux on en recense 2.300 vides (6%). La Commune d’Ixelles est une des communes de la Région qui compte le moins grand nombre de logements dits sociaux sur son territoire mais elle a aussi le triste privilège d’être l’une de celles où le taux d’inoccupation est particulièrement élevé. En bas de la rue Vandeuren, l’immeuble de la chée de Boondael compte à lui seul 13 logements vides en état. Même constat Av. Médecin Derache juste en haut de la rue Vandeuren. Il suffira encore de faire le tour dans le quartier Ernotte pour se rendre compte que les logements sociaux qui y ont été créées il y a moins de 5 ans sont loin d’être tous occupés. Cette expulsion ne viendra que confirmer ce triste constat.
  • Last but not least, malgré leur arrivée tardive à 8h30, le Samu et le CPAS de la Commune sont arrivés sans solution pour reloger ces personnes et les enfants délogés ce matin qui s’organisaient déjà pour trouver de nouveaux squats où s’installer. Cette intervention nécessaire des autorités ixelloises met en lumière le triste sort de ces personnes qui errent ainsi de lieu en lieu sans lendemain assuré.

Il n’y a jamais de réponse facile à des problèmes complexes mais ce qui s’est passé aujourd’hui démontre à souhait qu’on peut apporter de mauvaises réponses à de vrais problèmes.

  • Face à de grandes difficultés financières les communes sont de moins en moins en mesure de gérer et de maintenir correctement le parc immobilier. Il faut réfléchir à une coordination de tous les acteurs (sociétés de logement, régies foncières, agences immobilières sociales, …) et moyens d’action dans une institution régionale. Il n’y a que de cette façon que l’on arrivera d’ici 2020 à avoir 15% de logements publics abordables et faire face à l’évolution démographique.
  • Sans attendre que la politique de construction et de rénovation des logements publics soit accélérée, nous devons nous attaquer avec plus de force à l’inoccupation. Des amendes réelles et pourquoi pas le rachat à bas prix des logements laissés à l’abandon depuis trop longtemps pour que des familles ou des jeunes ménages puissent les rénover et y habiter ?
  • Mais aussi et surtout nous ne pouvons plus accepter que dans une ville riche comme Bruxelles des gens meurent encore à la rue : les sans domiciles fixes existent aussi quand les caméras ne tournent pas pour faire un sujet d’hiver. Leur nombre augmente d’année en année et avec eux de plus en plus de femmes et d’enfants : les communes et CPAS doivent aussi prendre une part de responsabilité afin que des centaines de places soient créées dans les maisons d’accueil, dans les centres d’accueil d’urgence, partout et de façon permanente.

C’est ce contrat là qu’il faut signer.

Sur les portes des commerces voisins, le collectif Leefgoed nous convie demain à une visite guidée de son occupation temporaire dans des logements sociaux vides de la rue du Relais, à 2 blocs de la rue Vandeuren. La direction du Foyer ixellois les a autorisés, eux, à occuper les appartements délabrés en attente de rénovation et qu’ils ont mis ainsi en service pour pouvoir loger 8 SDF …

Vous avez dit une politique cohérente ?